TocCyclopédie ■ Époques

En 2176, sur Mars colonisée par les terriens : une équipe de policiers est chargée de se rendre dans la colonie minière deCanyon, dans la Shining Valley, afin d'aller y chercher un criminel prisonnier et de le ramener à la justice. Mais, les policiers arrivent dans une ville apparemment déserte...



Aux Etats-Unis, Vampires (1998) a été un très gros succès, remboursant son modeste budget. Ensuite, John Carpenter se met à rédiger, avec l'aide de Larry Sulkis, le script de Ghosts of Mars, à partir d'une idée totalement originale, ce qui ne lui était pas arrivé depuis Prince des ténèbres (1987). Ce sera donc un projet complètement voulu par son auteur, qui n'aura rien d'une oeuvre de commande dans le style de Les aventures d'un homme invisible (1992), Le village des damnés (1995) ou Vampires. Par conséquent, sa productrice Sandy King va devoir négocier des accords de financement, ce qui prendra un certain temps et explique en partie le délai assez long entre Vampires et Ghosts of Mars. Le film va coûter le budget, plutôt modeste pour un film de science-fiction hollywoodien, de 28 millions de dollars. L'équipe de KNB (Une nuit en enfer (1996) de Robert Rodriguez, Vampires...) se chargera des maquillages. Le rôle principal est tenu par Natasha Henstridge (La mutante (1995), Mon voisin le tueur (2000) de Jonathan Lynn...), alors que la rockeuse Courtney Love (du groupe Hole) était au départ envisagée. Le rôle de "Big Daddy Mars", le chef des possédés, est interprété par Richard Cetrone, cascadeur de profession (Blade (1998)...). On trouve aussi le rappeur Ice Cube (Anaconda (1997)...), Pam Grier (Sheba Baby (1975), Los Angeles 2013 (1996) de Carpenter, Jackie Brown (1997) de Quentin Tarantino...), Clea DuVall (The faculty (1998) de Robert Rodriguez, La femme de l'astronaute (1999) de Rand Ravich...), Peter Jason (Prince des ténèbres, L'antre de la folie (1995) de Carpenter, Los Angeles 2013...)

Au second semestre 1997, un petit robot appelé Pathfinder est largué sur Mars avec succès par la NASA. Pendant plusieurs mois, les internautes du monde entier peuvent suivre en direct les découvertes de cet explorateur qui, muni d'une caméra, arpentait le sol de la planète rouge. Voilà qui va donner bien des idées aux producteurs Hollywoodiens, qui décident de tourner des films retraçant de manière relativement crédible l'exploration de cette planète par des humains. Premier arrivé, Mission to Mars (2000) est une luxueuse production confiée à Brian De Palma (Carrie (1976), Mission : impossible (1993)...), dont la conclusion optimiste et métaphysique lorgne vers 2001, l'odyssée de l'espace (1968) de Stanley Kubrick et Rencontres du troisième type (1977) de Steven Spielberg. L'accueil critique est mitigé, et le succès public n'est pas vraiment au rendez-vous. Puis arrive Planète rouge (2000) de Anthony Hoffman, dont c'est le premier film, traitant du problème de la terra-formation de Mars (ensemble de modifications des conditions de vie sur cette planête afin de la rendre habitable par des terriens). Bénéficiant d'un gros budget, sa sortie est un vrai bide. Ghosts of Mars arrive lui aussi en retard à cause du temps qu'a pris la mise en place de sa production et aussi de problèmes de casting. Il est tourné en grande partie extérieur, au Nouveau-Mexique, où la grande ville martienne a été bâtie dans une zone désertique.

L'expédition Pathfinder a réveillé aux USA le goût de la conquête spatiale, et on a souvent parlé à ce propos de l'esprit pionnier des USA, théoriquement hérité des premiers colons arrivés à bord du Mayflower et de la ruée vers l'ouest du XIXème siècle. Chez Carpenter, grand amateur de western, le déclic s'est fait rapidement : il n'y a pas de raison que la conquête de Mars se passe autrement que celle du territoire américain. Il décida donc de réaliser un western qui prendrait pour cadre la conquête de Mars. Les micro-organismes martiens vont donc se révolter pour défendre leurs terres contre les colons terriens. Pour ce faire, ils prennent possession de mineurs qui deviennent, sous leur emprise, de redoutables barbares (tout cela nous vaut d'ailleurs une explication scientifique des plus abracadabrantes !). Comme on le voit, le regard porté par Carpenter sur la conquête spatiale est moins réaliste et optimiste que ses concurrents Mission to Mars et Planète rouge.

L'action de Ghosts of Mars prend donc place sur une planète rouge encore aride et sauvage, en cours de colonisation. Le système politique en place, assez superficiellement décrit, est un matriarcat, ce qui permet à Carpenter de composer un groupe de héros inattendus. Les rôles y sont attribuées de manière originale : les vétérans et les leaders sont des femmes (l'officière supérieure est même une femme noire et homosexuelle), et les hommes sont voués aux rôles d'exécutants obéissants. Ce surprenant commando est rendu fort crédible grâce à d'excellents interprètes, notamment Pam Grier. D'autre part, Ghosts of Mars est avant tout un western et, par conséquent, les clichés de ce qui a été le genre-roi de Hollywood se bousculent : train traversant un désert sauvage, soldats convoyant des hors-la-loi, pilleurs de banques, ville de mineurs construit autour d'une grande rue, bandits aux noms colorés (la composition du patronyme Desolation Williams...)... et bien sûrs, ses guerriers peaux-rouges. Ainsi, une fois possédé par les esprits martiens, les humains deviennent de redoutables barbares, pratiquant des rituels guerriers (scarification, peintures de guerre...) rappelant de nombreuses traditions connues sur Terre. La tête coupée est, comme au temps de l'Amérique pré-colombienne, le trophé-roi ; on se fait, comme chez les aztèques, des masques de peaux humaines ; des maquillages vaudous sont portés... Enfin, la présence de piercings métalliques renvoie aux actuels tribus urbaines, souvent présentes chez Carpenter (Assaut (1976), New York 1997 (1981)...).

Ghosts of Mars se décompose nettement en deux parties distinctes. La première moitié pourra dérouter ceux qui ne sont pas des habitués de Carpenter. On y retrouve pourtant le grand style de ce réalisateur, cette maîtrise glacée et neutre, d'une sobriété ascétique impeccablement calculée, reposant en grande partie sur des cadrages d'une précision maniaque et un montage millimétré, qui a fait les réussites de Assaut (1976) ou The thing (1982). Alors même que les scènes d'action sont rarissimes, et  que les effets emphatiques ou spectaculaires sont complètement absents, Carpenter fait monter la tension en s'appuyant sur une narration composée de récits rapportés et de flash back imbriqués avec virtuosité (Carpenter revendique ici l'influence du film noir L'ultime razzia (1956) de Kubrick, dans lequel un casse est décrit à partir des différents points de vue de ses divers protagonistes, brisant ainsi la linéarité temporelle traditionnelle du récit cinématographique). Pourtant, le scénario particulier de Ghosts of Mars reste rigoureux et homogène, et le jeu des retours en arrière se met complètement au service de la progression du suspens en multipliant les révélations sur les évènements de Shining Valley, sans jamais que cela ne tourne à un vain exercice de style.

Les deux parties de Ghost of Mars sont reliées par un intermède plus ou moins comique nous présentant Desolation Williams et sa bande pittoresque, passage qui évoque aussi bien Cheyenne et ses complices dans Il était une fois dans l'ouest (1968) de Sergio Leone... que les Dalton de Lucky Luke lorsqu'ils se font bêtement piéger dans la cellule du prisonnier qu'ils viennent libérer ! Puis, Ghost of Mars de transforme en une sidérante mêlée où se succèdent spectaculaires scènes d'action et inextricables situations paroxystiques (la possession de Melanie). Ces explosions de violence sont impeccablement filmés par un Carpenter au sommet de son art. Pourtant, la tâche n'est pas aisée : le tour de force consistait à rendre fluide des séquences de batailles de rue dans lesquelles plusieurs combats d'homme à homme se déroulent souvent dans le même cadrage. Pour mener à bien cette entreprise, Carpenter a filmé ces séqunece avec plusieurs caméras simultanément. Cette technique n'a rien de nouveau (Visconti en était un grand adepte et l'avait employé pour tourner le fameux bal de Le guépard (1963) : à l'époque, on y a vu le caprice d'un réalisateur très dépensier), mais elle reste le cauchemar des producteurs (multiplication des équipes techniques et augmentation du budget de location de matériel) et surtout des chefs-opérateurs (les éclairages doivent fonctionner sous plusieurs angles de vue, et les multiples caméras doivent être soigneusement placées de manière à qu'elles ne se filment pas mutuellement). Pourtant, ce procédé permet  de diminuer le nombre de prises (et donc de raccourcir le tournage) et, surtout, garanti la parfaite continuité du matériel filmé disponible au montage. Ainsi, malgré leur profusion et leur sauvagerie, les scènes d'action de Ghosts of Mars sont impeccablement lisibles, cohérentes et rendus encore mieux compréhensibles par des ralentis employés judicieusement et sans grandiloquence.

C'est à nouveau Carpenter qui compose lui-même sa musique, comme il l'a toujours fait depuis le début de sa carrière à de rares exceptions près (The thing, Les aventures d'un homme invisible...). La première partie, tendue et affûtée comme on l'a vu plus haut, lui permet de retourner à ses géniales mélodies électroniques, dans le style d'Assaut ou Halloween (1978) : l'arrivée du train sur des rythmes synthétiques implacables est une séquence assez extraordinaire. La seconde moitié du film est soutenue par des riffs de Metal extrêmement solides (Carpenter collabore ici avec le groupe Anthrax), rompant avec les guitares Rock plus traditionnelles de L'antre de la folie et Vampires. Comme souvent chez Carpenter, la musique, très simple, est entêtante et répétitive, accompagnant d'une façon plus rythmique que mélodique le montage rigoureux du film.

Il convient encore de saluer l'interprétation impeccable des deux acteurs principaux. Ice Cube se glisse à merveille dans l'univers de Carpenter, et reprend le personnage récurrent chez ce réalisateur (Assaut, New York 1997...) de l'outlaw peu bavard à la fois résigné et combatif, cynique et loyal. Natasha Henstridge incarne un agent du matriarcat, fragile (toxicomane...) et féminine d'une part, énergique et crédible dans les scènes d'action d'autre part. Ce couple improbable, dont la relation passera par les préjugés, la méfiance, la collaboration forcée, le respect et, enfin, l'estime, rappelle évidemment le lieutenant Bishop et Napoleon Wilson dans Assaut, dont la conclusion inoubliable est expressément citée dans de Ghosts of Mars.

Malgré ses grandes qualités, Ghosts of Mars n'échappera pas à la malédiction des films martiens post-Pathfinder. La critique américaine est globalement mauvaise, et les résultats de l'exploitation en salle s'avèrent fort décevants. De même, il n'est pas inexact que le récit comprend quelques zones floues et quelques invraisemblances (la fille qui tue le prisonnier alors que le mode de contamination des possédés est déjà révélé, la naïveté avec laquelle Mélanie ouvre la porte du train en marche lors des tous derniers combats...). Néanmoins, Carpenter signe avec style un de ses meilleurs films, incluant quelques une des scènes d'action les plus réussies de toute son oeuvre.

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Tout à fait d'accord
■ janus 05/12/2003
Je viens juste de voir ghost of Mars (merci Canal) et je tiens à dire qu'effectivement, ça m'a vraiment rappelé ces histoires de mal élémentaire libéré par l'homme...alors oui, Ghost of mars est définitivement un grand film Poulpien.

Pour ce qui est de l'aspect Kitsch, je ne suis pas trop d'accord. C'est vrai qu'il y a cette histoire de respirateur mais c'est minime. Quant aux décors ils ont tout de même un gros bon point :

Ils sont tout simplement crédibles. Carpenter a adapté la structure d'une ville du far west à Mars, et ça marche !

bref, Vivement le prochain Carpenter...
D'accord avec Manu
■ Fab 20/11/2003
Au risque de me faire taper dessus, je vais défendre la note mise par Manu :). Ghosts of Mars est un excellent western futuriste. Et de plus c'est avant tout une série B et doit être vu de la sorte (certains des défauts cités ci-dessus sont dus à un budget ridicule). Le choix de Mars sert avant tout (à mon avis) à rendre le "mal" plus crédible, mais on peut aussi facilement s'imaginer l'ation du film dans l'Ouest américain. De plus la réalisation est, comme d'habitude chez Carpenter, excellente et pour la première fois ce dernier s'amuse à déstructurer la linéarité du récit avec des séquences de flash-backs réelement excellentes et pour une fois non ennuyeuses et servant parfaitement l'action présente. Pour ce qui est des acteurs moi je ne les trouve pas si mauvais que ça. En tout cas, Natasha Henstridge joue largement mieux que dans "La Mutante" ! Pour ce qui est du jeu d'Ice Cube, il faut néanmoins une certaine habitude de l'humour de Carpenter (ex : "Les aventures de Jack Burton..." ou "Los Angeles 2013").
C'est pour ça...
■ poulpy 19/11/2003
...que j'ai bien aimé. Tous les défauts que vous avez signalé, Vonv et Zool, ça m'a fait bien marrer. Bien sûr, ce n'est pas un grand film, mais je me suis bien amusé et la zik est terrible. Trop fun.
Tout à fait... Vonv
■ Zool 19/11/2003
Un pur navet ce film !! Et pourtant je suis un fan de Carpenter (des bons films de Carpenter: The Thing, Fog, Vampires, L'Antre de la Folie...), mais là, c'est l'un des pires films que je sois allé voir au ciné (et oui, moi j'ai payé pour voir cette M... Bouze !); des acteurs qui jouent mal, des décors en carton-pâte, des effets spéciaux dignes d'un film des années 70, des cascades à "L'Agence tout risques" (des mecs qui sautent sur des trampolines à la moindre explosion...), en un mot: RIDICULE !!

Dans mon classement des grosses daubes vues au ciné ces dernières années, il obtient sans mal la deuxième position, juste derrière Desperado-2 (c'est récent et ça me fait toujours aussi mal d'avoir payé pour ça !!)
J'ai même pas fini...
■ Vonv 19/11/2003
Habituellement je suis bon public et il faut vraiment que ce soit mauvais pour que j'arrête de regarder un film... ou alors que je m'emmerde !

Et c'est le cas :
- décors kitchissimes : j'ai pas cru une seconde que l'on soit sur Mars (remarque marrante, ils on des respirateurs sur l'épaule dont ils se servent au tout début, genre ambiance, et puis qu'ils oublient)...
- intrigue, même si on ne sait pas ce qu'est ce mal, cousue de fil blanc avec des pseudo-retournements et des effets censés faire peur...
- les acteurs ayant des rôles bien caricaturaux, on ne pourra leur repprocher d'essayer de s'en sortir tant bien que mal...

Pour moi, un gros gros rattage de m'ssieur Carpenter, qui m'avait convaincu avec pas mal de ses autres productions.
Ouai mais quand même
■ jolinard
Je viens de voir le ce film. Alors, OK pour toute la critique mais quand même une remarque. Je ne lui aurait jamais mis 9. A tout casser je penche plutôt pour un sept. Certainbe scène reste un peu facile comme le retournement de Ice Cube dans le train et la fin est un peu lourde sinon les maquillage géniaux et l'ambiance pas mal.
Film Cthulien
■ Poulpy
Je tiens à signaler la composante lovecraftienne indéniable du film.
Tout d'abord, le mal qui ronge la station est insaisissable et inexplicable à autrui. C'est l'Indicible et l'Innommable.
De plus, l'origine de ce mal était présent bien avant l'arrivée de l'homme sur Mars, tout comme les Grands Anciens qui ont précèdé et qui précèderont l'humanité.
Enfin, les danses tribales des possédés ne sont pas sans rappeller les sectateurs aborigènes chers à HPL comme dans sa nouvelle l'Appel de Cthulhu...
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Merci à Monsieur Sandy Petersen !
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